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Comment nous imposent-ils la fusion ?


Résumé : Pour que l'apparente agonie de l'université se révèle telle quelle : le fruit d'offensives consciencieusement orchestrées.


Comment nous imposent-ils la fusion ?

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Round 1 : L’autonomie financière ou comment étrangler financièrement l’université


Du savoir à la gestion

La loi LRU de 2007 portée par Pécresse (qui s’était fixé l’objectif de « réparer les dégâts de Mai 68 ») reverse aux universités leur masse salariale (auparavant gérée par l’État). Celle-ci recouvre désormais 80% de leur dépenses. Trois conséquences sont à relever : hausse des coûts de fonctionnement de l’université qui doit désormais se doter d’organes de gestion de sa masse salariale (1), apparition d’une logique gestionnaire qui noie les ambitions propres aux exigences d’enseignement et de recherches dispensées par l’université, et enfin le bouleversement de la structure interne de sa masse salariale (mutations, précarisation des contrats, annulation des primes, augmentation de la charge de travail etc).


Concurrence des compétences (anciennement connaissances)

Le statut « autonome » des universités les cantonne désormais à faire le jeu de la concurrence, chacune devant, lors de la répartition annuelle de l’enveloppe globale allouée à l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), faire valoir sa position, ses résultats, en dernier lieu ses besoins. Cette concurrence entraîne à son tour des coûts de communication lié aux contraintes d’attractivité et de visibilité : les universités devant faire valoir les spécificités de leur « offre scolaire » pour attirer à elles les étudiants-clients, futurs « étudiants-payeurs » (voir Vers quelle université nous dirige t-on ?). Ajoutons que la dotation globale exige un fonctionnement à « moyen constants », c’est à dire qu’elle ne prend pas en compte l’évolution de la masse salariale liée à l’augmentation constante du nombre d’étudiants, et mène inexorablement à la surcharge des cours, au surmenage d’un personnel saturé (cf la grève de l’UFR de psychologie en début d’année au Mirail).


Autonomie, ou le cynisme politicien

Le résultat ? En 2011, 11 universités sont déclarées en faillite, c’est à dire qu’elles disposent d’un fond de roulement passé sous la barre des 30 jours (seuil prudentiel). Mise sous tutelle de ces universités par le rectorat, voilà la traduction concrète de l’autonomie que dessinait la LRU. Remarquons ici le cynisme d’une telle politique : s’il crée de toute pièce la dépendance des universités, l’État, étant toujours le robinet principal, (re)devient aussi l’acteur à qui elles devront désormais rendre des comptes (à travers les courses aux subventions et leur grilles de notation). Or, si l’on remonte un temps soit peu le fil de l’histoire, l’usage du terme « autonomie des universités » fut l’expression d’un moment charnière - fin du XIX et début du XX - durant lequel celles-ci purent s’émanciper de la main-mise de l’État et de leur instrumentalisation comme outil culturel de reproduction des rapports sociaux (de la politique centralisatrice de Napoléon jusqu’aux disciplines de prestige, en passant par la circulaire de Fortoul). Cette époque balaya le monopole de l’État en émancipant les universités de l’omnipotence du ministère et des grandes puissances économiques, notamment via la sélection des professeur ou l’approbation des cours : ainsi furent posées les prémisses, les bases concrètes d’une vocation à l’universalité du savoir.


Round 2 Mise en place de subventions-carottes


D’une crise budgétaire à l’addiction aux subventions

Proclamée à tue tête par la Banque Centrale, l’OCDE et les think tanks libéraux depuis les années 90, la « crise » des Universités est enfin advenue. La nouvelle « réalité économique déficitaire » des universités s’est accompagné de la création de plusieurs leviers économiques, joints à l’enveloppe globale alloué annuellement aux établissement du supérieur et de la recherche (ESR). Parmi les « plans investissement d’avenir » (Labex, équipex, Plan campus, I-site, Idefi etc) se trouve l’« Initiatives d’excellence » (idex). Cette subvention représente une très large part des PIA (7,7G€). Selon le rapport de l’HCERES chargé d’évaluer l’Université Fédérale de Toulouse, l’IDEX représente en 2015 33% de ses recettes. Remarquons que pondus à la suite des loi LRU et Fioraso, ces subventions se présentent comme l’unique possibilité de minimiser les dégâts d’une politique austéritaire, c’est à dire de maintenir à flot les coûts liés à leur fonctionnement. En apparence de leur « propre gré », c’est donc en réalité grâce aux conditions d’une « crise budgétaire » que les universités se lancent dans « la course à l’excellence ».


De la marchandisation du savoir

Si ces subventions représentent une aubaine de circonstance, elle sont surtout le lieu de la mise sur le marché des universités française. Chaque grand pôle, en concurrence avec les autres pour décrocher le contrat idex, labex ou autre, devra répondre d’un cahier des charges précis, faire valoir son offre de formation, ainsi que des mesures d’assainissements financières. Le modèle de l’université qui dispense des savoirs se met peu à peu au pas d’un modèle compétitif dont les critères ne sont plus définis par les ambitions propre au savoir, mais par leur adéquation avec des critères émanant d’instances externes (État, union européenne, jurys et classements internationaux). Pour autant, si l’un des maîtres-mot de ces subventions est l’adéquation avec l’ensemble régional (dont ils doivent être le pôle de formation), les établissements répondent toujours de leur « identité historique », c’est à dire des caractéristiques liées aux socles de connaissances qu’ils proposent.


Round 3 : Pondre une loi pour accélérer le processus


Loi Fioraso ou la marche forcée vers le regroupement

En 2013, dans le prolongement de la LRU, la loi Fioraso rend obligatoire le regroupement des pôles de l’ESR d’une même région, et ce selon trois modes : l’association, la fédération ou la fusion. De ces trois modes, seule l’association préserve à la fois l’identité juridique et la capacité à l’autodétermination des établissements. A Toulouse, 4 universités, 17 grandes écoles et 5 organismes de recherche, préalablement réunis en PRES depuis 2007, ont fondés l’Université Fédérale de Toulouse, c’est à dire une ComUE qui adopte la structure de la fédération.


L’option Toulousaine : ComUE de l’UFT

La fédération pour laquelle a opté l’UFT si elle permet de préserver l’identité morale et juridique de ses membre, à néanmoins acté la mise en place d’un nouvel échelon de gouvernance supra-décisionnaire. Cette perte relative d’autonomie se reflète déjà en matière de stratégie (élaborée par les supra-instance de la ComUE), administrativement (le gigantisme n’ayant jamais aidé à l’organisation), pédagogiquement (affaiblissement des unités de formation dits UFR) et financièrement (coût de mise en place de service centraux évalué à 10M€), chaque établissement oeuvrant désormais non plus pour lui-même mais à compétence « partagée », c’est à dire mise en place et coordonnée par la ComUE. L’instance de gouvernance, le Conseil d’Administration est accompagné d’un Conseil Académique ainsi qu’un Conseil de Membre.


L’inexorable rapprochement de la fusion

Désormais sur l’avant dernière marche d’un chemin qui, du PRES à la fédération de l’Université Fédérale de Toulouse, nous rapproche inexorablement de la fusion, il y a tout lieu d’interroger les exigences de cette dernière. Le dernier rapport de l’Inspection Générale de l’Administration de l’ESR (IGAESR) pondu en octobre est explicite à cet égard : l’interêt de la fusion consiste à favoriser la compétition-coopération. Comment ? Via l’égide toute puissante d’un Grand Etablissement qui assurerait définitivement la captation des compétences, du budget alloué par l’État, et piloterait sans contre-pouvoir l’orientation stratégique de chacun des membres, en bonne entente avec le « monde socio-économique », grâce à leur sur-représentativité au sein des instances supra-décisionnaire de ses conseils (8 personnalités extérieures contre 4 à 6 représentants étudiants).


Round 4 : Suppression des subventions-carottes pour les universités qui n’auraient pas fusionnées


« Sorbonne Paris Cité et Toulouse pourront représenter un projet d’idex, à condition de proposer une nouvelle dynamique et des mesures de ruptures »

Louis Schweitzer, Commissaire général aux finances, interview AEF du 23 septembre 2016


Les masques tombent

La fusion étant évidemment l’objectif à atteindre, les pôles ayant choisi cette option (Bordeaux, Aix-Marseille et Strasbourg), se sont vus décerner les « Initiatives d’Excellence » par le jury, tandis que la ComUE de Toulouse et Paris Sorbonne Université ont été placées en période probatoire. L’IDEX se révèle telle que conçue : une énorme carotte, prévue pour 9 ans sur laquelle se sont appuyés les budgets et les efforts des ComUE, sans voir venir le marasme de la non reconduction (période probatoire de 3 ans). Les ComUE proches de la fusion, retournée par la suppression de cette subvention et par les conséquences désastreuses qu’elle entraîne de facto (22 programmes suspendus) ont 18 mois pour parvenir à élaborer un projet de « reconquête de l’IDEX », c’est à dire l’élaboration d’une fusion.


La fusion ne se fera pas sans le Mirail

Dans ce contexte s’est monté une obscure commission chargée de mettre en place la « stratégie de reconquête de l’IDEX ». Le modèle envisagé : un noyau dur parachevant le statut juridique unique d’un grand établissement, dans lequel l’université du Mirail devra nécessairement se trouver, ainsi que Paul Sabatier, l’INSA et l’INP, assorti de composantes, qui pourraient elles aussi décider de se fondre juridiquement. Fin janvier, ce modèle sera présenté en guise de « feuille de route » au Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur. Fin 2017 scellera l’adoption du projet de fusion (ce qui signifie que la rentrée de 2018 pourrait déjà voir les tarifs de l’inscription prendre de la hauteur).


Calendrier express et opacité plus plus

Un calendrier aussi expéditif, cantonne en toute opacité l’élaboration du projet de fusion aux mains des seules instances décisionnaires, sans aucune consultation des étudiants ou personnels. Symptomatique s’il en est, le président de l’université du Mirail n’a pas jugé utile de convier les étudiants à l’unique réunion tenue à ce propos, et l’horaire proposé (12h30-14h) évinçait de fait une majorité du personnel BIATSS. Certains pourtant, tel le coordonateur pôle HSHS, y voient déjà un l’occasion d’un exercice, soulignant qu’il est « important d’avoir une capacité de réaction rapide ». Cette même personne estimant que le vote de 11 personnes en faveur de la fusion, sur 14 votant serait le signe d’un « très fort désir d’intégration », il y a tout lieu de penser que la représentativité-éclair d’un ensemble de 26 structures, étouffées par la suspension de 6 projets, s’est surtout appuyée sur la criante absence d’une vraie réflexion démocratique sur les implications et les conséquences de la fusion.


Round 5 : Pression, pression, pression


J’appuie, tu appuies, on appuie

Les pressions ne s’arrêtent pas au seul calendrier. C’est toute une cacophonie de haut responsables politiques et scientifiques qui, à demi-mot parfois, ouvertement d’autres, poussent la ComUE Toulousaine, notamment le Mirail vers la fusion. Dès l’annonce de la perte de l’IDEX, dans une intervention largement relayé par les médias Toulousains, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc s’est exprimé ainsi : « j’appelle solennellement les universités toulousaines à tenir l’engagement qu’elles avaient pris en 2012 de se construire une identité unitaire». Plus loin « La communauté universitaire toulousaine doit se ressaisir et repartir à la reconquête du label Idex en construisant les décisions courageuses qui sont nécessaires. Il faut immédiatement répondre à la proposition de l’Etat d’un accompagnement pour un changement de cap ». Explicite, n'est-ce pas ?


Le gratin s’y colle

Dernièrement, le 24 novembre, lors de l’inauguration de la salle Georges Mailhos au Mirail, Martine Martinel, Carole Delga et Pascal Mailhos (fils de, oui), respectivement députée, présidente et préfet de la région Occitanie, ont profité de l’écoute assidue des responsables universitaires ainsi que des chercheurs du Mirail pour augmenter d’un cran la pression de l’État, en insistant sur la nécessité d’accélérer le processus de la fusion. Cet interventionnisme avoué de l’État n’est pas le seul fait de Toulouse, le président de la région Languedoc (pour l’université de Montpellier, appelée à rejoindre dans un futur proche le projet de fusion de l’UTJ) ainsi que le président de la Région Rhône-Alpes (qui en appelle à fonder l’Université Rhône-Alpes, de Saint-Étienne à Chambéry !) usent des mêmes stratégies de pression.


De l’autorité à l’autoritarisme, les joies de la gouvernance

Autre acteur d’importance, le CNRS, entité phare de la recherche en France, oriente stratégiquement ses partenariats vers les structures ayant fusionnées : son site internet regorge d’exemple exhaustifs (à caractère promotionnel, bien entendu). À savoir, lors du refus de fusion exprimé par Lyon II, son directeur Alain Fuchs, s’est permis, dans un élan d’autorité risible, de menacer l’université de Lyon II du retrait de tout ses chercheurs - comme l’on menace de retirer ses pions. La servitude sera, volontaire ou forcée.


Quel avenir pour des études arrimées au marché de l’emploi ? Quel projet pour tout les non-étudiants rejeté par la sélection ? Quelles ambitions pour les exigences propres du savoir ? Quelle futur pour une université dominée par les exigences des entreprises ?



Round 6 : Exigeons le savoir pour tous, réapproprions-nous l’université, organisons-nous !



Sources :


La destruction des universités, Christophe Granger, La Fabrique


Rapport de l'HCERES sur l'Université Fédérale de Toulouse, vague A



Loi Fioraso / LRU


Rapport de la banque mondiale : Le financement et la gestion de l'enseignement supérieur. L'état des réformes dans le monde. (PDF)


http://www.univ-toulouse.fr/


http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article7069


http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article5985


http://www.lagazettedescommunes.com/368813/loi-fioraso-les-petites-et-moyennes-universites-demandent-plus-de-souplesse/


Réaction Moudenc, Maire de toulouse

source http://www.toulouse7.com/2016/04/30/luniversite-de-toulouse-perd-label-idex-de-nombreux-emplois-menaces/


Discours de Mailhos lors de l’inauguration

http://objectifnews.latribune.fr/innovation/recherche-et-developpement/2016-11-25/idex-le-coup-de-pression-de-l-etat-et-de-la-region-sur-les-universites-toulousaines.html






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